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KALILA...
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KALILA...
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18 novembre 2009

Grandeur et décadence

Quand j'étais étudiante, j'étais à la fois amatrice de livres ET fauchée... Nous étions beaucoup dans ce cas, mais ce n'était pas un problème : les bouquinistes étaient nos repères préférés.

A Lille, il y en a beaucoup. Les plus connus étant ceux de la vieille bourse.

Mais moi, parmi toutes les "bouquineries"... Ma préférée, c'était celle de Madame Raoust. Sa boutique était située rue Neuve, la petite rue qui mène à la grand place quand on vient de "la rue des cinémas". C'était un lieu hors du temps. C'est à peine si l'on osait y entrer parce que le lieu ne se laissait pas trop voir de l'extérieur. Mais dès qu'on poussait la porte, là ça devenait magique...

Derrière les hautes étagères de livres, on devinait la vieille brique centenaire. Tout y était vieux et chargé d'histoire, y compris la vieille Madame Raoust... Cette vieille dame parlait peu. Elle avait ses habitués, et s'étonnait de voir pénétrer des étudiants chez elle. Mais on la sentait amusée de nous voir si penauds face à elle.

Quand on était dans la vieille boutique, c'est comme si, l'espace d'un instant, on se sortait du tumulte de la ville. On entendait bien le brouhaha extérieur, on percevait encore les silhouettes des passants derrière les vitres, mais tout cela ne nous concernait plus. Une fois qu'on était entré là, on avait l'impression d'avoir remonté le temps. Les livres s'était accumulés là, et il fallait souvent farfouiller au fond des armoires, soulever des piles de livres pleins de poussières, ou encore grimper tout en haut de la petite échelle chancelante pour aller dénicher une relique qui ferait notre bonheur de la semaine.

Une fois le livre choisi, on allait voir la vieille Madame Raoust dans le fond de sa boutique. Elle était toujours installée dans un petit fauteuil en train de lire. Et là, on lui tendait nos pauvres pièces en échange du livre. Très peu de mots étaient échangés, mais elle avait toujours un sourire approbateur quand on refusait le sac plastique qu'elle nous proposait. J'imagine que si nous avions été moins intimidés, nous aurions eu des conversations passionnantes avec la veuve du célèbre éditeur. Mais nous étions jeunes, et un peu comme ces enfants qui pénètrent dans la vieille maison abandonnée, pour mieux s'en sauver, nous osions à peine déranger la vieille dame.

Je pense pourtant qu'à force de nous voir, nous avions sans doute un peu pénétré le cercle de ses habitués.

Pour sortir de la boutique, il nous fallait toujours prendre une grande inspiration. Pas facile de franchir la porte et de retrouver le flot des passants et le bruit de leurs conversation. Et puis, on faisait toujours bien attention de vite fermer la porte derrière nous parce qu'il nous semblait inconvenant de faire entrer tant de bruits dans la vieille boutique.

Longtemps, je suis allée chez la vieille dame. Et puis un jour, la boutique est restée fermée. On s'est bien douté de ce qui se cachait derrière tout ça, et nous avions toujours une pensée pour la vieille Madame Raoust. Pendant un temps, nous avons eu l'espoir que quelqu'un reprendrait sa boutique. Mais non...

Je suis repassée rue Neuve. Il y a toujours la vieille façade, qui était magnifique. Derrière les vitres maintenant, on voit les vieilles briques qu'on devinait autrefois. Mais, plus de hautes étagères en bois, plus de vielle échelle chancelante, plus de vieux fauteuil.
A la place, que du neuf et du clinquant : ils ont osé ouvrir une boutique de téléphonie chez la vieille Madame Raoust !!!

DSC02677


NB : Soizic, en écrivant ces lignes, je ne peux m'empêcher de penser à toi...

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Commentaires
A
Beaucoup d'émotion dans ton texte. J'aurais aimé découvrir cette boutique et rencontrer Mme Raoust.
Z
Ton texte est magnifique, cela m'émeut beaucoup, tout comme cette pensée pour Soizic. <br /> Et la voix de Clarika, j'adore...
L
Sais-tu comme tu viens de mouiller mes yeux ? Avant même d'avoir lu ta toute dernière phrase. Ce texte est tellement émouvant. Quel magnifique hommage tu lui rends à cette femme, je suis très très émue, et très touchée que tu m'associe à ces beaux souvenirs... Les mots me manquent... Ce que tu viens de faire... est magnifique ! Maintenant je m'en vais pleurer un peu en buvant quelques gorgées de café et je penserais à Elle.<br /> <br /> Merci.
A
Je suis en train de choisir un livre et de voir cette vieille dame, ils sont splendides tes mots ainsi que ton souvenir..... Dans la mercerie dont je parle sur mon blog, ils sont fait une boulangerie où est installée une boulangerie qui font des chouquettes à tomber !!!
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