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KALILA...
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KALILA...
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30 janvier 2012

Ce que l'oeil ne voit pas...


Il était un gars un peu myope, qui avait rencontré une femme invisible, une fois. Ça c'était passé le plus bêtement du monde, sur un banc public. C'était un jour de rien où, baissant sa garde quelques secondes, la femme invisible était soudain devenue visible. Ça arrivait quelquefois. C'était rare toutefois. Et encore plus rarement visible. Elle n'avait rien trouvé de mieux pour se dérober au regard de ce gars qui la découvrait éberlué, que de sourire et de disparaître à nouveau. L'air de rien.

Le gars resta interdit pendant un moment, se demandant ce qu'il venait de se passer. Il aurait pu laisser filer. Avec le temps, il aurait fini par croire qu'il avait rêvé. Mais il ne l'entendait pas ainsi. Il en voulait plus maintenant. Plus qu'un sourire, et plus que trois secondes. Alors, il revint chaque jour, au même endroit, à la même heure. Dans l'espoir de la voir revenir elle aussi. Ce qu'elle fit. Chaque jour, au même endroit, à la même heure. Et même un peu avant. Mais jamais elle ne se montrait. Elle l'observait. Elle le jaugeait. Elle voulait se faire une idée.

Au bout de quelques temps, il commença à se lasser. Il était venu là chaque jour. Et rien. Il finit par se demander s'il n'avait pas un peu rêvé finalement. Alors, il décida que le lendemain serait le dernier jour où il viendrait au même endroit, à la même heure. Peut-être le sentit-elle, que ce jour-là serait le dernier. Ou peut-être pas. Toujours est-il que ce matin-là, elle s'assit à ses côtés. Toujours sans se montrer.

A un moment, il ferma les yeux, comme pour fixer l'instant. Elle le trouva beau avec ses yeux fermés. Elle s'approcha un peu et lui toucha la main, du bout de ses doigts. Quand il rouvrit les yeux, il la vit... elle était là pour de bon. Pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas elle-même, elle avait décidé que lui, il aurait droit à ça. Et après tout pourquoi pas ?

Il se mit à lui parler (c'était ce qu'il savait faire de mieux). Et elle, à l'écouter. Ils restèrent ainsi une bonne partie de la journée. Quand le soir commença à tomber, il l'invita chez lui. Elle accepta d'y passer la nuit. Et les suivantes aussi. Ils s'aimèrent ainsi presqu'en secret, pendant un petit bout de temps. Parfois, elle disparaissait pendant quelques jours, le laissant seul. Mais toujours, elle revenait. Il ne posait pas de question, mais il préférait quand elle était là.

Et puis bizarrement un jour, un truc changea. Une question de point de vue sans doute. Il commençait à trouver ça envahissant, toute cette invisibilité. Elle avait beau être invisible et toute petite. Elle avait beau s'absenter souvent. Elle avait fini par prendre trop de place chez lui. Dans sa tête surtout. Tout cet espace vide trop rempli d'elle, c'était devenu trop pour lui.

Il ne sut pas très bien comment le lui dire. Mais ces choses-là doivent se sentir parce qu'elle sentit très vite que son regard avait changé. Même ses mots étaient devenus différents. Elle comprit qu'il était temps que le vide redevienne vide.

Alors, un matin, elle fit ce qu'elle savait faire de mieux. Et, du mieux qu'elle le put, elle disparut...


Qui mieux qu'une femme invisible et toute petite sait faire cela ?

 

 banc

"C'était comme un signe
Qu'elle m'avait laissé avant de partir
Des petits cailloux blancs
Sur un banc de pierre usé
Cinq petits cailloux blancs
Dans l'hiver
Sur un banc de pierre
Pour que je sache
Qu'ils étaient pour moi
Qu'il fallait que je les prenne
Et referme ma main dessus"

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